Réveillon ? Connais pas !

Noël, le jour de l'An, messe de minuit, réveillons, cadeaux: des histoires de grand-mère. Ras le bol de ces traditions gniangnian.

Moi, à Noël, je n'ai rien fait, pratiquement rien. Ma femme a invité quelques amis le soir du 24 décembre, mais sans aucune cérémonie particulière, simplement parce que le lendemain c'ètait congé et que tout le monde était disponible. C'était une occasion, comme une quelconque samedi soir. Elle a fait de la dinde rôti, mais vraiment par hasard. Elle nous l'a expliqué en servant: Je ne savais pas quoi vous donner à manger, le gigot est hors de prix, la banquette de veau j'en ai vraiment marre. Il y avait plein de dindes au marché et je me suis dit: 'Pouquoi pas une dinde?' Effectivement, pourquoi pas une dinde? On ne vas pas se priver de dinde pour dire qu'à Noël nous ne mangeons pas de dinde, alors qu'on aurait fait de toute façon de la dinde.

Pour les gosses, alors, rien. Le coup d'aller sur les quais acheter une branche de sapin qui dépasse du coffre de la voiture, décorer l'arbre avec des bougies, des pommes et des guirlandes, je préfère vous le dire tout de suite: ce n'est pas notre genre, pas notre genre du tout. On a une voisine un peu viex jeu qui m'a proposé:

- Mon mari a acheté un sapin de Noël de son côté et moi aussi. Ce qui fait qu'on en a deux. Vous en voulez un?

Pour lui rendre service, j'ai accepté et j'ai mis la branche je ne sais pas où, dans le couloir ou dans la cuisine. Ma femme l'a trouvée et elle m'a demandé:

- Qu'est-ce que c'est? Tu as acheté un sapin de Noël?

Elle se moquait de moi, comme si je m'étais deguisé en indienne.

- Tu es folle, non? Moi, acheter un sapin de Noël?! C'est la voisin qui me l'a donné.

- On pourait le mettre dans le salon, dit ma femme, ça serrait drôle.

- Oui, dans le fond, pourquoi pas? - ça serait drôle. J'ai répondu ça comme j'aurais répondu n'importe quoi, je m'en fichais.

Quand elle s'est mise à décorer l'arbre (parce qu'elle aime bien la décoration, ma femme), je l'aidée, pourquoi pas? Je n'avait rien à faire. C'était assez joli, d'ailleurs, et je me suis dit que puisque l'arbre était là on pouvait mettre les souliers des enfants à côté. Ma femme a trouvé l'idée très marrante et elle a pense´ qu'on pouvait mettre les jouets des enfants dans les souliers.

- Tu crois?

- Ben oui, pourquoi pas?

Les jouets, on l'a toujours fait. Ce sont les enfantes qui y tiennent, on ne va pas les en priver. La semaine qui précède Noël on fait un tour dans les grands magazins, comme tous les mois, et on en profite pour acheter quelques petites choses pour les enfants, ça leur fait plaisir.

Après le dîner, il restait une bouteille de champagne d'une party quelconque, peut-être l'anniversaire de nos dix ans de mariage, et on l'a ouverte. Puis il était assez tôt, et avec les amis on a cherché ce qu'on pouvait faire. Au cinéma? Les bon films on les avait tous vus. Au theatre? Trop tard. Bernard a eu une idée:

- Il y a un très bon concert d'orgue à l'église de la Madeleine, si on y allait?

J'aime beaucoup l'orgue, on a rarement l'occasion d'en écouter. Nous n'avons pas été deçus, c'était très bon. A la fin du concert, on ne pouvait pas sortir tant il y avait de monde et on a été obligés d'assistér à la messe de minuit.

Puis nous nous sommes un peu promenés sur les boulevards et nous avons bu un verre dans un café ... En rentrant, il y avait bien du monde dans les rues: probablement der 'réveillonneurs' à l'ancienne.

- Je l'ai toujours pensé - dit ma femme - ils y tiennent à leurs traditions. Je l'ai toujours pensé, ils sont indécrottables.

tiré de: Guy Sitbon, Le Nouvel Observateur, 30.12.1974